ARTS SCENIQUES

MATAR DIOUF, ARTISTE COMEDIEN

«Nous ne voulons pas de leur ‘’sarakh’’»

C’est un artiste déçu que nous avons au bout du fil. Matar Diouf, artiste comédien vit comme «un manque de considération», la manière dont les acteurs de la Culture sont traités en ces temps de Covid. Pour lui, les 2 milliards 500 annoncés par le ministre de la Culture en faveur des acteurs de la culture en réponse à leur sit-in pour réclamer le respect de leur droit au travail est juste un «sarakh».

Est-ce que vous avez pris part au sit-in qui a été tenu ce mercredi 23 décembre à la place de l’Obélisque ?

Mais oui ! Je faisais même partie des dirigeants représentant le Théâtre.

Qu’est-ce vous cherchez à obtenir avec cette manifestation ?

Ce que nous voulons, c’est la reprise du travail. Nous voulons travailler. C’est l’ouverture imminente des salles pour que l’on puisse travailler. Aujourd’hui, tous les secteurs travaillent, sauf la culture. Et pourtant, on a été parmi les premiers à aller au front pour sensibiliser. Si nous avons été les premiers au front pour sensibiliser, cela veut dire que nous maîtrisons les gestes barrières. Alors pourquoi nous maîtrisons les gestes barrières, nous sensibilisons les autres secteurs pour qu’ils puissent, avec les mots du Président de la république, « vivre avec le virus », nous avons été au front pour les préparer et maintenant, on ouvre pour les secteurs. Et après avoir bien sensibilisé, on nous dit : ‘’Vous qui sensibilisez, vous ne pouvez pas bosser parce que vous ne pouvez pas respecter les mesures barrières.’’

Le deuxième point, c’est le Fonds d’appui annuel pour le Théâtre, pour la Musique et pour la Danse comme ils ont fait pour le cinéma, pour les écrivains, pour la culture urbaine. Pourquoi ils ne l’ont pas fait pour le Théâtre, la Musique et la Danse parce que ces acteurs ne sortent pas, ils ne font pas de sit-in, ils ne marchent pas, ils ne font pas la grève. Ils sont polis et dignes. Ils n’ont donné qu’à des coco-crieurs leurs fonds et nous ont laissé en rade.

L’autre point, c’est la mise en place effective de la copie privée. On ne veut pas de l’argent qu’on nous donne comme cela, comme si nous étions des mendiants. Nous voulons travailler à la sueur de nos fronts pour pouvoir nourrir nos familles, pour pouvoir subvenir à nos besoins, pour pouvoir nous soigner.

Une autre revendication porte sur le statut de l’artiste. C’est parce que nous n’avons pas régler ce problème de statut qu’on ne nous considère pas comme des travailleurs. On n’a pas un ministre qui nous représente. Il est contre nous. Il ne sait même pas ce que c’est la culture.

Voilà ce que nous réclamons. Aujourd’hui (jeudi 24 décembre), on nous a convié à une réunion avec le ministre de la Culture qui nous informe qu’après la manifestation d’hier, le Président de la République nous donne 2 milliards 500.

Ce n’est pas ce que vous attendiez ?

On s’en fout de cet argent. Nous ne sommes pas des mendiants. Oui c’est vrai qu’il y a des acteurs qui sont restés des mois sans travailler et ils ont besoin d’indemnisation. Mais ce n’était pas le point central de notre manifestation. C’était le point le plus faible de nos revendications. La dernière fois, ils nous avaient donné 3 milliards. Mais il y a des artistes qui se sont retrouvés avec 30 000 francs alors qu’ils sont restés 6 mois sans travailler. Ils ont retiré les policiers d’hier en nous envoyant une autre bombe, ces 2 milliards 500 qui va encore disloquer. Ils se sont dit : «La CAM (Coalition des acteurs de la culture) et ses alliés, il faut les disloquer.  Ce ne sont pas les policiers qui vont les disloquer ni les bombes lacrymogènes mais c’est l’argent parce qu’ils ont faim». 

En dehors de l’annonce de cette aide financière, le ministre de la Culture vous a-t-il donné espoir de voir vos revendications satisfaites ?

Il nous a juste dit que le président nous a donné 2 milliards 500. Et pour lui, nous sommes contents. C’est tout à fait faux. D’ailleurs, nous sommes en train d’écrire un communiqué pour dire que ce n‘est pas cela que l’on voulait. Le combat continue. 

Quelle est la prochaine étape ?

Nous allons ressortir. Hier, c’était juste Thiès, Saint-Louis et Dakar. La prochaine fois, ce sera tout le Sénégal. Paradoxalement, ils nous interdisent de jouer et eux organisent des galas et font jouer des artistes. On a vu Cheikh Lo jouer au Musée des Civilisations noires en présence du ministre des Finances. Même le ministre de l’Intérieur qui nous a interdit de nous regrouper était présent. S’il était à l’ouverture, c’est qu’il était au courant du planning jusqu’à la soirée. Le ministre des Finances était à la soirée. Les photos et vidéos circulent et c’était en direct sur Facebook. C’est vraiment paradoxal. Il y a les manifestations religieuses. Il y a les transports en commun. Dans tous les domaines, qu’ils bossent ou pas ils ont un salaire. L’artiste n’a pas de salaire.

Vous vous sentez marginalisés ?

Non seulement marginalisés mais nous manquons de considération. Aujourd’hui, nous ne voulons pas de leur « sarakh » (aumône, en wolof). Au Président de la république nous disons : C’est encore un geste merci mais nous voulons de l’aide. Aidez le secteur. C’est lui le Protecteur des Arts. 

Nous avons rencontré le ministre de la santé. Nous avons rencontré le ministre de la Culture. Nous avons rencontré le ministre de l’Intérieur. Aujourd’hui, nous voulons le président de la République, le protecteur des Arts. Qu’il nous rencontre qu’il essaye de régler le problème comme dans tous les pays du monde. 

On a donné une date (de reprise des activités) pour le sport. On a laissé tous les secteurs sauf la culture. C’est comme si on n’a pas de ministre. Il ne connaît pas la culture.

Comment comprenez-vous un professeur devant l’amphithéâtre avec des milliers d’étudiants et un comédien en ‘’One man show’’ au théâtre Sorano avec juste 1200 places. On dirait qu’à l’amphithéâtre que le virus ne va pas circuler et qu’au théâtre, c’est comme si le théâtre nourrit le virus. C’est paradoxal. Je suis désolé c’est un manque de considération. C’est un manque de ministre. C’est un manque de tout. C’est seul le protecteur des Arts qui peut nous gérer cela.

Awa Ndao

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