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Découverte: Samuel Nja Kwa, journaliste et photographe.

Au Sénégal en avril dernier, le photographe et journaliste camerounais Samuel Nja Kwa présentait son exposition ‘’Sur la route du jazz’’. Avec Africulturelle, il revient sur l’intérêt de ce projet à l’honneur durant le Saint Louis Jazz.

D’où vient votre intérêt pour le jazz ?

L’intérêt est vieux. Cela vient d’une part de mon père. Je suis né à Paris et mon père était médecin. Quand je suis né, il aimait écouter des musiques de jazz comme celles de Miles Davis. Petit, j’écoutais les mêmes musiques que mon père. Quand j’ai grandi, pour résumer mon histoire, j’ai commencé à faire de la photographie au collège. Tous les jeudis après-midi on avait un club photo. C’était en France. J’étais à l’internat. Dans ce club, on s’amusait à développer et tirer les photos qu’on faisait dans la journée. Plus tard, j’étudiais à Montréal et quand je suis revenu en France j’ai commencé d’abord par être journaliste mais j’écrivais beaucoup. Un jour je devais couvrir un concert et il manquait un photographe. C’est ainsi qu’est revenue ma passion pour la photographie. Pour faire le lien entre la photographie et le jazz, je recevais beaucoup de CD qui sortaient à l’époque. A chaque fois qu’il y avait un nouveau CD, on m’appelait pour faire des chroniques ou alors interviewer les musiciens. J’avais fait le choix de rencontrer des musiciens d’origine africaine parce que je voulais en savoir plus sur leur histoire. Donc, il y avait des musiciens brésiliens, cubains, américains et à chaque fois que je faisais une interview je leur demandais leur rapport avec l’Afrique. Ils m’ont raconté leurs histoires avec leurs ancêtres surtout esclaves et aussi l’histoire de leurs parents. C’est là que j’ai découvert une autre histoire de l’Afrique à travers le jazz.

Quelle est cette histoire de l’Afrique à travers le jazz ?

Ce sont les voyages des rythmes. Quand les esclaves  quittaient l’Afrique, ils sont partis tous nus. Quand on les enlevait, ils n’avaient plus rien. On a essayé de leur enlever tout ce qu’ils avaient comme passé. On les a kidnappés et on les a amenés dans les îles caribéennes ou brésiliennes. Pour survivre, ils n’avaient que leurs cultures et leurs souvenirs. Ce qu’ils ont traduit dans leurs musiques, les chants. Ce sont les mêmes qu’on entend aujourd’hui dans les églises. Certains esclaves n’avaient plus d’instruments. Ils faisaient les percussions avec leurs corps. Au Brésil, ils ont commencé à construire des tam-tams avec des tonneaux de rhums. C’est aussi pareil aux Antilles, au Venezuela  et un peu partout. Il n’y a qu’aux Usa que le rythme a été supprimé. Quand les musiciens jouent du saxophone, ils le font de manière percussive. Quand un musicien de jazz joue du piano il le fait comme si il jouait du tam-tam. Tous ces rythmes-là, ils les ont mis dans l’instrument de musique avec lequel ils s’expriment.

Sur la route du jazz suppose un itinéraire quel est ce dernier ?

J’ai construit le livre en plusieurs parties. Là, c’est vraiment un premier tome concernant l’Afrique, l’Amérique, le Brésil et les Caraïbes. En même temps, il y a l’expo visible ici qui a commencé en Côte d’Ivoire ensuite elle est allée au Mali. Elle est partie en Afrique du Sud puis à Saint-Louis. C’est une exposition itinérante.

L’exposition consiste en quoi ?

Ce sont des portraits de musiciens de jazz afro-américains mais africains aussi. Des portraits très très intimes parce que quand je suis avec un musicien avant de le photographier on parle beaucoup. J’essaie de savoir quelle et sa personnalité que j’essaie de transmettre dans la photographie.

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Affiche de l’exposition au Gymnase Didier Marie de Saint – Louis

Sur l’affiche annonçant l’exposition, c’est un rappeur, Fadda Fredy, qui est mis en avant. Pourquoi ce choix ?

Le rap est un peu la suite du jazz. Pour moi c’est lié. C’est une musique de combat, une musique de liberté. En même temps, Fadda Freddy englobe toutes ces musiques là. Son album raconte l’histoire des Noirs. Il y a des chœurs, des voix comme dans le jazz. C’est une musique jazz moderne qui revient en Afrique. Aujourd’hui le jazz se crée à partir des musiques africaines. Ça a commencé en Afrique, c’est parti ailleurs après et aujourd’hui il revient en Afrique. Fadda Freddy c’est pour moi le musicien qui symbolise la musique moderne africaine et la création artistique dans le jazz.

Parmi ceux que vous avez photographiés n’y en a-t-il pas quelques uns qui ont été réticents à un moment ou à un autre devant votre objectif ?

Il y a eu des musiciens qui n’ont pas voulu faire des photos avant de changer d’avis par la suite. Il y a un musicien qui s’appelle Carter qui est l’un des plus grands contrebassistes au monde. La première fois que je l’ai rencontré je lui ai dit que je voulais le prendre en photo. Il m’a dit non je n’ai pas le temps. Prenez mon mail, écrivez moi et on verra après. J’ai attendu 4 mois et il est venu à Paris. Je lui ai envoyé un mail pour renouveler ma demande. Il m’a demandé de venir au concert et après sa prestation on fait les photos. Quand je suis venu, il m’a dit tu fais 4 photos. J’ai pris mon appareil et après une prise il m’a dit ‘’that’s one’’. Il a ainsi commencé à compter. Alors j’ai accélérer les choses en prenant le maximum et il m’a viré. L’année d’après je devais aller à New-York et je lui ai encore envoyé un mail. J’avais vu qu’il jouait au Blue Note et je lui ai demandé s’il était possible que je vienne là-bas le voir. Il m’a dit ok je te donne une place gratuite de concert au Blue Note. Quand je suis arrivé je l’ai pris en photo. Après je suis allé le voir. Il m’a dit : ’’ah c’est encore toi. Voici mon adresse tu peux passer me voir’’. J’y suis allé et quand il m’a ouvert la porte, il m’a dit tu es devenu mon meilleur ami. Alors qu’au départ, il ne voulait même pas entendre parler de moi. Cela veut dire que des fois il faut persévérer pour avoir le meilleur.

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