Moussa Sène Absa filme les plaies
Dans la catégorie fiction, la course à l’Étalon d’or de Yennenga, le Sénégal est représenté par le film ‘’Xalé, les blessures de l’enfance’’ de Moussa Sène Absa.
Il y a 20 ans, le réalisateur sénégalais Moussa Sène Absa était en compétition au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, avec ‘’Madame Brouette’’. Il revient en 2023 avec un autre long métrage fiction, ‘’Xalé, les blessures de l’enfance’’. Le premier cité n’avait pas décroché le Yennenga d’or. L’aura-t-il avec le deuxième ?
‘’Les prix m’importe peu. La fête du cinéma est dans le regard des gens. C’est cela mon Yennenga. Le plus important pour moi est la perception du public : voir des gens venir à la fin avec des yeux lumineux, embués ou que le film les marque. C’est cela mon prix’’, sourit-il.
Un prix déjà gagné. Ceux qui sont venus suivre son film au cinéma Neerwaya ont aimé ce qu’ils ont vu. ‘’Xalé, les blessures de l’enfance’’, un film d’une heure quarante-et-une minutes, traite des traumatismes des enfants, des jeunes. Parmi celles-ci, l’émigration. Une thématique bien présente dans la filmographie de Moussa Sène Absa et qui revient dans cette fiction. Elle est présentée à travers Adama, un jeune de Yarakh qui rêve de Paris, des Champs Elysées, de belles voitures, d’une fortune qu’il ne peut avoir qu’en allant en France. Pour lui, c’est Panam ou l’enfer. Il prit une pirogue. Arrive à bon port, mais ne réalise pas tous ses rêves. Voir Awa, sa jumelle qu’il avait laissée à Dakar, dix ans auparavant, dans la même maison familiale, renseigne à suffisance sur cet état. ‘’L’émigration est une des blessures de l’enfance qui est encore intacte et qu’on n’est pas encore arrivé à guérir. La situation de cette jeunesse débordante d’énergie, qui a envie de faire, de réaliser et de se réaliser, à qui l’on n’a pas offert toutes les opportunités, me peine. Cela me touche’’, explique Moussa Sène Absa à la fin de la projection.
Awa, elle, a été également blessée, souillée par son oncle qui l’a violée, alors qu’elle n’a que 15 ans. Un viol suivi de grossesse qui l’oblige à s’éloigner des classes, alors qu’elle était brillante. Elle finit coiffeuse auprès de sa tata Fatou. De son viol est née une fille, Binta, qu’elle aimera plus que tout et chérira. L’oncle violeur, Atoumane, est banni de sa société.
Moussa Sène Absa présente, à travers son jugement, une autre forme de condamnation, de peine infligée, différente de celle de la prison. Il semble dire qu’elle est plus pénible, parce qu’Atoumane reviendra dix ans plus tard mal-en-point et est juste une loque humaine.
Ces histoires sont accompagnées de chants entonnés soit par un groupe de femmes soit d’hommes. Tout dépend du message du réalisateur qui dit avoir vécu avec ‘’Xalé, les blessures de l’enfance’’, son ‘’plus beau moment de cinéma’’. Car, partage-t-il, ‘’c’est la première fois que je fais un film avec une équipe entièrement africaine, d’une part et, d’autre part, avec des jeunes qui pourraient être mes enfants, dont les producteurs. Ils m’ont demandé de me faire plaisir, de faire ce que je veux. Il y a des choses que j’ai écrites sur le plateau, surtout les chansons. Le groupe de chanteurs répétait les textes pendant 10 ou 15 minutes et après on tournait. C’est cette liberté-là qui m’a beaucoup marqué. J’ai chanté dans le film. Je suis un musicien raté, j’écris mes musiques, je donne mes mélodies à un compositeur qui les arrange’’, a-t-il dit.