La Tunisie sur la plus haute marche
Au moment où des Noirs, des Africains sont persécutés en Tunisie, au Burkina Faso, l’on a décidé d’honorer ce pays à travers la belle performance d’un de ses créateurs. Youssef Chebbi s’est vu décerner samedi à Ouagadougou l’Étalon d’or de Yennenga de la 28e édition du Fespaco.
Clap de fin de la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). La cérémonie de clôture s’est tenue samedi dernier au Palais des sports de Ouaga 2000. À cette occasion, le nom du grand gagnant a été dévoilé. Le réalisateur tunisien Youssef Chebbi est sacré Étalon d’or de Yennenga 2023, grâce à son film d’une heure trente-deux minutes ‘’Ashkal’’. ‘’Dans un des bâtiments des Jardins de Carthage, quartier de Tunis créé par l’ancien régime, mais dont la construction a été brutalement stoppée au début de la révolution, deux flics, Fatma et Batal, découvrent un corps calciné. Alors que les chantiers reprennent peu à peu, ils commencent à se pencher sur ce cas mystérieux. Quand un incident similaire se produit, l’enquête prend un tour déconcertant’’. Tel est le synopsis de ce long métrage fiction primé.
‘’Il y a, dans ce film, une rigueur extrême qui cisèle les images et permet au cinéaste d’aller au-delà des murs éventrés et des corps éreintés. En effet, dans des circonstances telles que celles actuelles, il y a une urgence de parler, mais les mots s’exténuent et la langue nous fait défaut. Mais avec des images aussi bien tissées que celles qui existent dans ce film, chaque fil se désintègre et on peut parler de volume de l’abîme des cendres, un travail extraordinaire’’, a dit la présidente du jury long métrage fiction, Dora Bouchoucha. Le prix a été remis par le président de la transition au Burkina Faso, le capitaine Ibrahima Traoré.
À Ouagadougou, beaucoup ne s’attendaient pas à ce que l’Étalon d’or de Yennenga aille à un autre réalisateur qu’Apolline Traoré. Son peuple l’a porté. Les projections de ‘’Sira’’, son œuvre en compétition dans cette 28e édition du Fespaco, sont devenues des événements. Pour une projection à 20 h 30 mn, arriver au cinéma à 18 h n’assurait pas aux cinéphiles l’accès à la salle. Ce sont les seules projections qui ont fait salle comble. Elle n’a pas eu l’or. Mais a plus qu’un lot de consolation. Elle s’est adjugé l’Étalon d’argent. Elle est tout de même contente et a remercié son peuple. C’est certain qu’elle reviendra. Persévérante, elle est à sa quatrième participation à la compétition officielle du Fespaco, mais est à son premier Étalon. ‘’Cette fois, c’est l’argent ; la prochaine sera l’or. Moi, je ne me décourage jamais. C’est bien d’avoir l’argent. C’est ma quatrième édition au Fespaco et j’ai gagné l’argent. Cela prouve que je monte dans ma carrière, que je persévère dans ce que je fais et je vais continuer à me battre’’, a-t-elle dit avec le sourire, en marge de la cérémonie de remise des prix.
‘’Je ne suis pas découragée. J’ai fait quelque chose pour le peuple. Le peuple m’attendait, m’a poussée, m’a amené au plus haut. Je suis peut-être découragée pour lui, parce qu’on n’a pas eu ce qu’on voulait au Burkina. Après ce que j’ai vu, ce que le peuple a fait pour moi, j’avais déjà gagné (…) Que le peuple se mobilise comme il l’a fait pour moi, c’est énorme’’, s’est-elle réjouie. Elle promet de revenir avec un autre film et de gagner cette fois.
Le Sénégal est en coproduction sur ‘’Sira’’ avec le Burkina Faso. Donc, cette distinction est également sénégalaise.
Par ailleurs, une belle production a reçu l’Étalon de bronze. La réalisatrice kenyane Angela Wanjiku Wamai, grâce à ‘’Shimoni’’, ferme le podium. ‘’Le cinéma permet d’exprimer avec pudeur la douleur contenue dans l’évocation des blessures de l’intime’’, a dit Dora Bouchoucha. Elle n’a que trop raison. Angela Wanjiku Wamai raconte l’histoire d’un enseignant sorti de prison et obligé de vivre avec son cauchemar sans y mettre les mots. La performance de son acteur n’a d’égale qu’à l’habileté du cameraman.
Dans la catégorie long métrage fiction, il y a une section collaboration artistique avec huit prix décernés. Les prix de la Meilleure image et du Meilleur décor sont allés à ‘’Mami Wata’’ de C. J. Obasi. Le prix du Meilleur son est allé à ‘’Ashkar’’ de la Tunisie, celui de la Meilleure musique au film angolais ‘’Our lady of the Chinese Shop’’ et Nadine Khan de l’Égypte avec ‘’Abou Sadam’’ est distingué Meilleur montage. La création de la Tunisienne Erige Sehiri, ‘’Sous les figues’’, a remporté grâce aux performances de l’ensemble des jeunes filles et garçons de ce film, les prix de la Meilleure interprétation féminine et masculine. ‘’Le bleu de caftan’’ du Maroc est sacré Meilleur scénario.
Dans la catégorie long métrage documentaire, l’Étalon de bronze est allé à l’Algérienne Leïla Chaïbi pour son documentaire ‘’Gardien du monde’’. Sur la deuxième marche du podium, est monté Rafiki Fariala de la République centrafricaine avec ‘’Nous, étudiants’’. Carlos Yuri Ceunink du Cap-Vert est rentré avec l’Étalon d’or, grâce à ‘’Omi Nobu/L’homme nouveau’’. Le film documentaire sénégalais qui était en compétition dans cette catégorie a reçu la Mention spéciale du jury. Il s’agit de ‘’L’argent, la liberté, une histoire de franc CFA’’ de Katy Léna Ndiaye. ‘’Le cimetière de la pellicule’’ a reçu également une Mention spéciale du jury. Ce film est réalisé par un Guinéen et le Fopica a soutenu ce film.
En outre, un autre film sénégalais en compétition a reçu une Mention du jury : ‘’Le mouton de Sada’’ qui était en compétition dans la catégorie Perspective.
Pour les catégories court métrage fiction, Amartei Armar du Ghana avec ‘’Tsutu’’ et Andriaminosoa Hary Joel Rakotovelo du Madagascar avec ‘’A doll’’ ont reçu respectivement les Poulains de bronze et d’argent. Mo Harawe de la Somalie a eu droit au Poulain d’or avec son film ‘’Will my parents come to see me’’. Pour le documentaire, Lotfi Achour de la Tunisie, avec ‘’Angle mort’’, a reçu le Poulain d’or, Beza Hailu Lemma d’Éthiopie qui a fait ‘’Katanga Nation’’, a eu le Poulain d’argent. La RDC, avec Fransix Tenda Lomba, qui a réalisé ‘’Kelasi’’, est arrivée troisième.