LITTERATURE

Littérature: L’affreuse vie de Ndinga d’Ariane P. M. Ma- Kaya

Africulturelle accueille Emeraude Kouka, poète, critique littéraire et d’art contemporain. Il nous parlera de ses coups de cœur et coups de gueule littéraires ou artistiques.  C’est le top départ d’une collaboration que nous espérons fructueuse.

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‹‹ Après lui avoir donné la vie, elle l’avait abandonnée. Après l’avoir abandonnée, elle la cherchait. Après l’avoir cherchée, elle l’avait trouvée. Après l’avoir trouvée, elle la méprisait. Après l’avoir méprisée, elle l’avait assassinée. Après l’avoir assassinée, elle désirait encore la retrouver. Mais il était bien tard. ›› Ce passage, début de l’avant-dernier paragraphe du roman, qui montre comment l’auteure joue avec la construction et la symétrie de ses phrases, mêlant, à l’envi, parallélisme, anaphore, donnant la sonorité d’une gradation ascendante et plus loin rompue, peut résumer ce livre, certes petit de 160 pages, mais diffus par les péripéties qu’il évoque, profus par l’enchainement des intrigues à chaque chapitre. Au vrai, c’est le récit d’une femme rogue, impavide, vaniteuse, qui affecte toutes les manières pour plaire aux hommes et se procurer quelque décence matérielle et agit de façon inconsidérée; ce jusqu’à sa déchéance, laquelle est si radicale qu’elle met fin à un roman parcellarisé comme un feuilleton. L’approche n’est guère inédite dans le giron littéraire congolais dans l’innutrition de laquelle se trouve, entre autres facette de la condition féminine, sa vénalité. Si Jean-Baptiste Tati Loutard dans les illustres Chroniques congolaises qualifie le personnage de Marie-Yolande de ‹‹ croqueuse de diamants ››, Prince Arnie Matoko dans son Voyage à New-York, réserve à Gladys un ‹‹ cadeau empoisonné ››. Donc, à une époque qui invoque l’émancipation de la gent féminine, fort est de constater qu’elle se définit encore par sa sexualité. De fait, la fin tragique et satirique de L’affreuse vie de Ndinga est une corrosive exhortation contre les antivaleurs à travers une démarche qui blâme les vices en raillant tacitement l’idiotie, une sorte de ‹‹ pleurer-rire ›› qui rappelle les larmes de Démocrite et les ‹‹ indociles ›› qu’évoque Boniface Mongo-Mboussa dans son Supplément au Désir d’Afrique. Toutefois, au-delà de l’éthique, la condition féminine proposée par l’auteure est vaseuse, elle suggère implicitement le dévouement aux tâches du ménage comme critère de la femme idéale; sans évoquer, eu égard aux exigences de la vie sociale actuelle l’intelligence, l’instruction ou l’indépendance financière qui posent les jalons de la parité homme-femme. Aussi, l’amour n’est jamais présenté comme le nid douillet dont rêvent les personnes au cœur tendre, l’infidélité et la perfidie lui sont toujours corollaires; qui plus est, il commence souvent par un défi ou une convoitise indélibérée avant une romance exacerbante, assez proche des intrigues de telenovelas mexicains, qui s’avère fragile avec le temps. De plus, les hommes se veulent stoïques face à l’adversité et trouve en l’alcool un allié indéniable tandis que les femmes se confient à leur entourage et se lamentent continuellement.

Par ailleurs, un examen raisonné ne ménage pas l’auteur de dénigration.

En effet, dans la fougue de son imagination, l’auteure, évoquant la contemporaine ville de Brazzaville, nonobstant de faibles mentions de sa toponymie, recrée les lieux comme à la page 26 où elle cite une plage ou à la page 154 où elle cite un lac près d’une forêt.

Les personnage interviennent, exceptés Ndinga, Prince et Perle, de façon hasardeuse faisant du roman une forêt humaine trop touffues. Au vrai, il compte dix-neuf personnages qui surgissent dans l’urgence de la narration et disparaissent aussi vite comme de simples figurants.

Le langage est simplet et prend vie dans l’argot, comme à la page 22: ‹‹ Prince se la jouait homme friqué ››, le familier, comme dans l’expression ‹‹ homme véhiculé ›› (page 6), et le phrasé congolais ‹‹ On a grandi dans tous les domaines et on est plus mature, plus responsable ›› (page 76). Ainsi, l’auteur se départit de la rigueur du Français de la mouture des classiques comme Aimé Césaire ou Tchicaya U Tam’si et s’exprime dans la plus grande modestie, mettant l’accent sur la narration, parfois au dépens du travail sur l’écriture. Nous ne sommes pas loin, ici, de la démarche d’auteurs comme Michel Houellebecq dont la tâche romanesque, d’influence balzacienne, est de raconter des histoires, allant jusqu’à affirmer que le seul style qui soit est d’avoir quelque chose à dire.

Cependant, au-delà des exigences stylistiques que la critique s’ingénie à relever, il est un tempérament d’écrivain indéniable dont la force de l’imagination est l’élément le plus patent, dans ce livre. Sony Labou Tansi, ne dit-il pas: ‹‹ Celui qui manque d’imagination est un handicapé intellectuel ›› ?

P.S.: Paru en février 2017 chez L’Harmattan Congo-Brazzaville, L’affreuse vie de Ndinga est le premier roman d’Ariane Prefna Mabiri-Ma-Kaya.

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