LITTERATURE

Littérature : Au cœur du village Djiri de Pierrette Bahouamina

La connivence avec ce livre part du titre : « Au cœur du village Djiri ». On dirait un incipit la narration est déjà engagée.

Pierrette Bahouamina nous plonge dans le Congo de sa nostalgie, celui de l’année 1960, qu’elle présente – c’est l’inédit de ce roman – sans le contexte remarquablement historique qui a, très souvent, imposé aux littératures africaines un ton subversif.

C’est un Congo rural, où les croyances animistes, l’attachement à la coutume et la superstition cohabitent, un pays dont le quotidien, atavique, se heurte à la modernité. On y nourrit des idées préconçues. On y croit en la supériorité de l’homme sur la femme, au droit d’aînesse et en la virulence du maléfice. On y trouve aussi la contraignante pratique du mariage forcé. On s’y soigne avec des plantes.

La toponymie se veut fidèle – jusqu’à emprunter à l’anachronisme des noms : exemples de Brazzaville encore présentée comme « Mfoa » et de Kinkala évoqué à travers la périphrase « village de Tâ Nkala ».

L’anthroponymie n’est pas moins évidente : tous les personnages (Tâ Moumbouoni, Mândzanga, Ngana, Samba, Nkengué, Ntoumba, Nsayeto…) ont des noms congolais. Les jours de la semaine n’ont rien du calendrier grégorien – ils sont kongo et significatifs des activités que les villageois devraient mener. On parle du « tsaba », du « mpika », du « nkoyi » et du « bukonzo ».

Le sociolecte congolais est également présent. Des mots comme « moutété » ou « tipoye » – qu’on retrouve aussi dans les romans Chercheurs dAfriques ou Le Pleurer-Rire d’Henri Lopès – côtoient d’autres mots non francisés, comme « ofélé » qui signifie gratuit, en lingala, ou « kapita » pour désigner une personne à la tête d’un groupe. C’est sans dire les citations, proverbes et appellations en lari, comme page 30 « mbongui ya bala bantu » (lieu de rassemblement). Le dans décor est planté. À n’en pas douter, l’ouvrage trouve sa superbe, d’abord et d’une, dans sa valeur ethnologique.

Cela dit, dans cet environnement, il y a une histoire. C’est ce qui en fait un roman. Il est question de migration, de tradition, de condition féminine, d’amour. Pierrette Bahouamina explore la complexité du sentiment amoureux, lui accorde la force du triomphe, en dépit du poids des traditions, du regard des autres, de la fragilité de la confiance dans le couple. Boué et Nsayeto s’enamourent très vite l’un de l’autre. Mais un jour, sans prévenir de ses projets, Boué voyage et abandonne son amante, pourtant prête à tout sacrifier pour lui. C’est ici que le ton anecdotique du titre « Au cœur du village Djiri » prend son sens ; encore que cet enthousiasme soit bien souvent vaincu par la trivialité de la narration.

Né au Congo en 1950, Pierrette Bahouamina réside en France. Enseignante à la retraite, elle a participé à l’écriture des recueils de contes Le Petit Mensonge et La légende de Mwana Ndona.

Émeraude Kouka

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