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Danse contemporaine: Neuf couches de rouge/ La tchikoumbi furiosa

Neuf couches de rouge/ La tchikoumbi furiosa est une création inédite du chorégraphe congolais Delavallet Bidiefono dont le spectacle a eu lieu ce samedi 23 février 2019, à l’Institut français du Congo à Brazzaville.

Tout commence avec l’ambivalence rhétorique du titre. L’ambage d’abord, le factuel ensuite, une suite qui favorise l’intelligibilité de la chorégraphie.

« Neuf couches de rouge » serait tout aussi vide de sens qu’énigmatique. Il renverrait à un rite, une inscription, un signe. Il ferait penser, par périphrase, au sang, à la peinture aussi.

« La tchikoumbi furiosa » rend la métaphore explicite: la tchikoumbi ayant pour sémantèmes à la fois un rite ancestral vili (ethnie du Sud-ouest du Congo-Brazzaville) et la personne adonnée à cette sujétion, et furiosa étant la traduction portugaise de l’adjectif « furieux ». On inférerait de cela: « la tchikoumbi (suivant le deuxième sème) véhémente, impétueuse, en folie ».

Il n’est pas rare que les artistes congolais, comme par un élan de réhabilitation mémorielle, mettent la tchikoumbi au cœur de leurs travaux. En 2017, le Centre culturel Jean-Baptiste Tati-Loutard de Pointe-Noire avait accueilli une exposition de peinture de Trigo Piula autour du même sujet. L’artiste avait retracé les différentes étapes ¾ de kubuil’ (la capture) à u’tiétou (l’achèvement de l’initiation) ¾ de ce rite qui prépare la jeune fille à devenir une femme.

Dans cette création, Delavallet Bidiefono adapte le sujet à une considération contemporaine. Il exprime la voix de toutes les femmes à travers le corps d’une seule, celui de la danseuse Vesna Mbelani, illustrant la tchikoumbi. Les textes de slameurs des collectifs Art Plume et Styl’oblique, ainsi que la trompette du musicien May’s Bantsimba, ont accompagné la véhémence de la danseuse, évoquant, dans un mouvement alternatif, leur rapport [univoque] à ce rite.

Il en vaut que les femmes confrontent à ces pratiques ¾ qui les maintiennent sous la férule de la tyrannie coutumière ¾ le dépassement, l’émancipation, la réprobation. Qu’elle manifeste une frénésie confinant à la transe ou libère un cri languissant, la tchikoumbi, preuse, résiste à l’injonction, intrépide, répond à la communauté, incarne l’héroïne. La chorégraphie aboutit à une composition digne de la dramaturgie, proche de la tragédie antique, mais sans l’irruption du funeste.

Emeraude Kouka,

critique d’art et critique littéraire

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