ARTS VISUELS

Chalys Lèye sur le village des arts « J’ai quitté car (…) j’ai eu le sentiment de prendre la place des autres »

Chalys Lèye est un artiste pluridisciplinaire. S’il crève l’écran ses temps-ci, pour autant, ce n’est pas le cinéma qui a fait sa renommée. Bien au contraire, c’est grâce à ses tableaux qu’il s’est fait un nom dans le monde de l’art. Faisant partie des premiers occupants du village des artistes, Chalys Lèye pense que sa génération « doit ouvrir la porte et laisser passer la nouvelle génération ». Il a quitté le village des arts au bout de 9 mois. Car, il a eu le sentiment d’ « occuper la place des autres ». Dans cet entretien, il revient sur l’historique et le processus d’attribution du village des arts.  

 

Pouvez-vous nous faire l’historique du village des arts ? 

L’actuel village des arts est né des cendres du premier village des arts.  Au temps du Président Abdou Diouf, il y a eu un village des arts qui se situait sur la corniche. Il était en face de l’ancienne école des arts au bloc des madeleines. Dans les années 80, le village a été déguerpi. Les artistes se sont dispersés. Quand les Chinois ont terminé la construction du stade Léopold Sédar Senghor, leur campement a été affecté au ministère de la Culture. C’est ce lieu qui est actuellement le village des arts. 

Des artistes ont-ils démarchés cette affectation ou c’est l’Autorité qui l’a décidé ainsi ? 

Je ne suis pas sûr si des artistes ont demandé à ce que les lieux leur soient donnés. Mais c’est possible car El Hadji Sy avec des artistes ont investi les lieux en premier bien avant l’inauguration. C’est eux qui ont fait que ces lieux soient dédiés aux arts. Avec ses propres moyens, il a commencé par valoriser l’espace. Il y a organisé des évènements. Les chinois y avaient installés des baraquements en bois. L’actuelle galerie a été construite par les chinois, le ministère de la Culture a construit la devanture. Il faut aussi préciser que El Hadji Sy n’avait pas d’atelier à ce moment-là. Le toit de son ancien espace de travail s’est affaissé à la Médina. Ayant fait tout ce travail et étant demandeur d’atelier, le ministère lui avait donné un espace de travail au village des arts. Il a été le premier occupant. 

Que devait contenir le dossier pour postuler au village des arts ?

Si mes souvenirs sont bons, il fallait une demande manuscrite accompagnée d’un Cv, la pièce d’identité et des photos.  C’est suite à cela que les ateliers ont été distribués. 

Donc village des arts n’était pas une sorte d’incubateur au départ pour jeune talent ?

Non ! Quand j’ai intégré le village des arts j’avais déjà mon atelier. Après le déguerpissement du premier village des arts, tout le monde est parti de son côté ; Chacun avait son propre atelier. 

Comment s’est faite l’attribution des ateliers ? 

Comme tout le monde, j’ai déposé un dossier au ministère de la Culture. Le moment venu, ils ont fait une sélection des dossiers reçus. C’est comme ça qu’on a attribué la quarantaine d’ateliers. Après l’attribution, il fallait signer un contrat. Ce dernier disait que l’occupant ne pouvait faire plus de 3 ans. C’est-à-dire on pouvait occuper les lieux 2 ans et renouvelable une année. Mais la durée globale ne peut pas dépasser 3 ans. Pour la prolongation il fallait faire une demande. Une fois les 3 ans écoulés, il fallait rendre les clés et donner la chance à un autre artiste. Les occupant ne payent, jusqu’à présent, ni l’eau, ni l’électricité encore moins le loyer. C’est gratuit. Le ministère voulait même au début doter chaque atelier d’un compteur mais l’idée a été très vite abandonnée. 

Comment avez vous su que votre candidature a été retenue ? 

Une fois, j’étais chez Viyé Diba pour une visite de courtoisie. Sa femme m’a informé qu’il était au village des arts. Je me suis rendu là-bas. Une fois sur les lieux, j’ai trouvé quelques artistes de la génération de Cité Diba. Il y avait une réunion devant l’atelier de El Hadji Sy. Il m’a demandé si j’avais postulé. J’ai répondu par l’affirmatif et il m’a rétorqué : ça fait le compte, viens et choisis ton atelier. Pour la petite histoire, c’est El Hadji qui m’a demandé de choisir l’atelier en face du sien. 

Connaissez-vous des artistes qui occupent les lieux depuis 1998 la date de l’inauguration du village des arts ? 

Oui ! Il y a des artistes qui y sont depuis 1998. El Hadji Sy y est toujours. Les Djibryl André Diop font partie des premiers occupants. Par contre d’autres sont partis. Naturellement certains sont décédés. 

Ont-ils légué les ateliers à leur famille ? 

Héritage, c’est un peu trop ! (Rires). Je connais un artiste vivant qui a cédé l’atelier à son fils. Je trouve que c’est bien car c’est un garçon qu’il faut connaitre. Amadou Dédé Ly est le père de Baba Ly. Après un certain temps, Baba son fils qui était à ses cotés fait partie des meilleurs peintres sénégalais. 

Combien de temps avez fait au village des arts ? 

9 mois ! 

Pourquoi restez 9 mois alors que vous aviez un contrat de 2 ans plus une en option ? 

 Je suis arrivé au village avec une motivation. Je me suis dit que l’expérience des autres artistes pourrait me servir tout comme je pouvais les apporter quelque chose. C’est dans cette optique de partage que j’ai intégré le village des arts. Au bout de 9 mois, je me suis rendu compte que ce n’était pas tout à fait cela. Il n’y avait pas d’échange. Chacun faisait son truc de son côté. Et je ne voyais pas les choses comme ça. A l’époque je pouvais vendre mes tableaux entre 300 mille et 2 millions Cfa, je n’avais pas besoin de la gratuité des lieux. C’est ainsi que je me suis dit qu’il fallait laisser la place aux autres et j’ai quitté le village. Je suis d’avis que ma génération doit ouvrir la porte et laisser passer les plus jeunes. A un moment donné, j’avais le sentiment d’avoir pris la place des jeunes. Et cela n’engage que moi. Je ne dis pas que les occupants ont pris la place des jeunes. Je pouvais vendre mes tableaux, je faisais des expositions partout dans le monde. 

A cette époque y avait-il des artistes qui vendaient comme vous sinon mieux que vous leurs tableaux au village des arts ? 

Oui ! il y en a. 

Sont-ils toujours au village des arts ? 

Oui ! Ils y sont. Tout comme il y en a des gens qui ne vendent pas plus que nous. 

Comment expliquez-vous que des personnes occupent depuis 1998 les ateliers alors que des jeunes sont à la recherche d’espace de travail ?

C’est à l’autorité d’en juger. Je ne les juge pas. Je sais que le contrat qu’ils ont signé ne dépasse pas 3 ans. 

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